L'aventurier de Berlin


L'Aventurier de Berlin - Berlin Avril 2016 - Olivier Ficco -

Penser, regarder, photographier :

 

Aujourd'hui avec le numérique la quantité de photographies que l'on peut réaliser dans un espace temps réduit est juste incroyablement démesurée. La seule limite hors celle de l'imagination est celle de notre carte mémoire. De nos jours, travailler en numérique est devenu la norme, même si la volonté de chacun de reproduire l'effet "old school" que l'argentique nous permet d'obtenir, hormis cela, le problème aujourd'hui se place ailleurs, enfin peut-être pas tant que cela. La technologie est plus que jamais à notre service, mais la vision du photographe, quant à elle se retrouve toujours sur un terrain de jeu identique, à savoir, la rue. Bien sûr que photographier est un mode d'expression moins onéreux qu'autrefois, il s'avère toutefois pas rien d'acquérir du matériel de qualité, là aussi tout dépend de ce que l'on souhaite obtenir comme résultat. De plus en plus de néo-photographes essaient de se démarquer avec des appareils assez basic, voir une "pinhole camera" qui offre la manière la plus antique de prendre une photo. Mais je ne souhaite pas m'éloigner du sujet de cet article. Ma première motivation ici, est de concilier photographie et numérique, ou plutôt de réconcilier la photographie et le numérique, pour la simple et bonne raison de ne pas finir chaque sortie photo avec plus de 300 prises, car de vous à moi, combien de ces prises ne finiront pas à la corbeille? 

 

Avant, le photographe passait de nombreuses heures enfermé tout seul dans une chambre noir, se punissant lui-même, développant, et développant encore et encore les tirages du week-end ou de la semaine, aujourd'hui rien n'a réellement changé. Nous avons troqué nos chambres noir contre un bel écran rétina. Où diable est la différence? 

 

C'est évident l'on passe moins de temps devant notre ordinateur que le faisait les photographes avec le temps passé à développer leurs tirages. Mais nous shootons beaucoup trop. Je ne souhaite pas généraliser, mais nous usons de précieuses heures à ne pas réfléchir au cadre, au sujet, à savoir si oui ou non il est mis en valeur. Nous survolons les détails. Il y a quelques mois de cela, et voyage après voyage, ma douce moitié, fatiguée de regarder les tonnes de prises stockées sur carte, m'a simplement gentiment demandé de ne pas dépasser 3 shoot du même sujet. Du coup depuis je ne cesse de penser à cela, ce n'est pas si dure que cela pourrait paraître, et cette simple méthode facilite la démarche des sujets à capturer (peu importe votre style). Je sais que pour moi la prochaine étape sera de penser que ma carte de 32GB ne contient seulement que de quoi réaliser 20 prises de vue. Je dois vous avouer que je n'en suis pas là, mais j'y travaille.

 

 

Ici, je voudrais vous parler de la photo intitulée "L'aventurier de Berlin". Il y a quelques jours de cela, lors d'une sortie impromptue, j'ai découvert un quartier de Berlin que je ne connaissais pas encore. J'ai beaucoup aimé les vibrations qui émanaient du lieu. Comme d'habitude, je marche et je shoote. Alors que j'avais remarqué une façade de bureau de presse assez intéressante à mon goût, je me suis posté devant et j'ai commencé à cadrer l'endroit sans réelle autre motivation que la façade en elle-même. Il y avait là un drapeau du Brésil, et j'ai vue qu'il fonctionnait assez bien avec le reste de ce qui venait composer mon cadre, alors j'ai pris une photo, puis deux, et une personne est passée dans le cadre, alors je l'ai capturé, et c'est quand je m'apprêtais à partir qu'un homme est sorti de l'immeuble, il ressemblait à un aventurier pour moi. il se préparait à faire une course en vélo quelque part. Je n'avais pas beaucoup de temps, mon avantage était d'avoir cadré la scène avant qu'il n'apparaisse. Alors j'ai shooté, exactement trois fois. Sur les trois celle qui a retenu mon attention est celle où ce sentiment d'aventurier revient. D'un point de vue composition, celle de droite est bien mieux, mais à mon sens, je préfère l'atmosphère qui se dégage de la photographie du milieu, avec son regard, comme s'il regardait une piste de plusieurs kilomètres traversant tout le Tibet, ou le Brésil. Le drapeau n'est ici que pour figurer l'aventure, les voyages et l'inconnu, tout réside dans la manière dont se tient le personnage, c'est comme s'il allait se lancer dans une aventure unique.

Je n'ai eu que trois prises pas une de plus. Elles auraient pu bien sûr être ratées toutes les trois, mais elles fonctionnent à leur façon. Pour moi le tout est d'être en accord avec ce que l'on ressent. C'est le plus important.